samedi 12 janvier 2013

Le mariage homosexuel est-il soluble dans l'écologie?

         Nous reproduisons ici cet article de Pierre-Jean Dessertine, pêché sur le blog de l'antisomnanbulique via celui des Anarchristes . Il semble en effet important de relayer les textes qui, tout en proposant une réflexion pondérée, pointent les questions les plus essentielles soulevées dans le débat sur le mariage gay. Les questions que l'idéologie des droits, qui s'impose avec tant d'ostentation comme l'unique grille de lecture, oblitère systématiquement. Quelles conséquences peuvent en effet laisser présager la légalisation éventuelle de la PMA ou de la gestation pour autrui? Le transhumanisme et l'eugénisme peuvent-il être solubles dans l'écologie libérale ? 

Le grand parti écologiste français – Europe-Écologie-Les-Verts – milite activement pour le droit au mariage de l’homosexuel (le)s, ceci au nom de la lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits.
Ce parti pris est-il cohérent avec l’engagement écologiste ?
Le mariage est une institution moribonde qui ne perdure que parce qu'elle maintient un cadre légal qui permet de garantir, tant bien que mal, l'accueil et l'éducation des enfants. Mais en tant qu'engagement d'un couple pour la vie, il n'est presque jamais respecté.
L'homosexualité n'est plus stigmatisée comme un délit ou une tare, et, depuis plus d'une décennie, le couple homosexuel a un statut civil (le PACS), ce qui permet à ceux qui le choisissent de bénéficier de droits fondamentaux conformes à la valeur de leur lien.
Dans ce contexte la revendication du droit de se marier au nom de l'égalité semble un peu à contretemps, alors que ce droit est majoritairement délaissé, dévalué, dans la population. La seule explication est dans l'investissement par les homosexuels de la valeur symbolique du mariage : ils revendiquent le statut de parents d'enfants comme les autres. L'enjeu de cette revendication est la pleine parentalité.
Mais justement, il ne peut pas y avoir pleine parentalité : il y a toujours un tiers décisif. Le tiers, ce sont les parents réels de l'enfant adopté, c'est la mère porteuse, c'est le médecin technobiologiste qui choisit sperme et ovule pour la fécondation in vitro, c'est le donneur de sperme, c'est l'intermédiaire pour l'adoption, et c'est, presque toujours, la grosse somme d'argent qu'il faut débourser.
Il y aura donc des conséquences graves à l'adoption de cette loi : c'est la reconnaissance institutionnelle de la parentalité assistée. Avant cette loi, la parentalité assistée (et non seulement procréation médicalement assistée pour inclure l'adoption) était toujours une rémédiation à un état de choses anormal, et qu'il fallait essayer d'éviter par prévention. Après son vote, elle sera consacrée comme une pratique normale puisque la loi légitime une situation de parentalité en laquelle on ne peut qu'y avoir recours. C'est le renforcement du marché de l'adoption – car il ne faut pas se leurrer, il existe un marché mondial de l'adoption entre pays riches et pays pauvres. C'est l'ouverture d'un marché de la procréation assistée – c'est un euphémisme : il vaudrait mieux dire "procréation technicisée" – qui va engendrer de belles carrières de médecins technobiogénéticiens qui se feront une réputation et demanderont grands émoluments pour les beaux bébés (dépistés sans malformation génétique, pas trop petits, etc.) qu'ils fourniront à une clientèle aisée (et qui bien vite ne sera plus seulement homosexuelle). C'est ainsi la voie ouverte à un eugénisme sournois : "On va choisir une mère biologique, elles sont toutes génétiquement rigoureusement testées ... mais je reviens, ... commencez à regarder les photos dans mon catalogue !" Car, cela est certain, on pourra choisir, on ne pourra manquer de choisir, entre les gènes disponibles à la main du technobiogénéticien. Et bien sûr, derrière les paroles lénifiantes – "l'essentiel, c'est votre désir, laisser parler votre désir, etc...!" l'on aura tendance à choisir selon l'idéal d'individu bien déterminé par les médias omniprésents dans l'environnement contemporain.
Finalement, après la biodiversité des légumes, des fruits, des semences, des animaux, c'est la biodiversité à l'intérieure de l'espèce humaine qui serait remise en cause. Car la biodiversité, c'est la procréation selon les hasards de l'amour qui assure un réassortiment constant des gènes. Est-ce écologiste de contribuer à réduire la diversité des humains ?
Voici ce qu'écrivait Marcel Pagnol :

Un soir d'hiver, à la campagne, devant de flamboyantes bûches, je pensais tout à coup à Sparte, à ses lois, à ses moeurs, à son idéal... Lorsqu'un enfant naissait, une commission d'experts venait donc l'examiner, dans la chambre même de l'accouchée... Quant aux enfants « réformés » par ce « conseil de révision », les vieux sages les emportaient sous le bras, et allaient les jeter dans un gouffre voisin, qui s'appelait le Barathre. Finalement, cette race si belle, et si soigneusement épurée, que nous a-t-elle laissé ? Des noms de rois, auteurs de lois aussi sévères qu'un règlement pénitentiaire, des noms de généraux, dont les armées ne dépassèrent jamais les effectifs d'un régiment, des noms de batailles, dont la plus célèbre est le glorieux désastre des Thermopyles, et les murs effondrés d'une petite ville. Ces pierres éparses sous des ronces ne cachaient pas une Vénus, un Discobole, une Victoire ailée... Au centre d'un paysage quelconque, ces ruines anonymes ne sont pas dominées par un lumineux Parthénon, haut dans le ciel sur une Acropole, mais accroupies dans l'ombre au bord d'un trou. Ces hommes furent des Grecs de la grande époque, à deux pas d'Athènes, mère de l'intelligence et des arts. Pourquoi leur héritage est-il si misérable ? C'est parce qu'ils ont sacrifié leurs poètes, leurs philosophes, leurs peintres, leurs architectes, leurs sculpteurs ; c'est parce qu'ils ont peut-être précipité sur les rocs aigus, au fond du Barathre, un petit bossu qui était Esope, ou le bébé aveugle qui eût chanté à travers les siècles les Dieux et la gloire de leur patrie... Et parmi les trop pâles petites filles qui tournoyèrent un instant, frêles papillons blancs, à travers la nuit verticale du gouffre, il y avait peut-être les mères ou les aïeules de leur Phidias, de leur Sophocle, de leur Aristote ou de leur Platon ; car toute vie est un mystère, et nul ne sait qui porte le message ; ni les passants, ni le messager.[1]

La mise en place d'une pratique eugénique socialement acceptée est une pièce maîtresse du projet transhumaniste. Est-ce écologiste de contribuer à mettre la société sur la voie du transhumanisme ?
En fait, il y a une grave confusion dans l’argumentation des homosexuels qui militent pour le droit au mariage, confusion qui abuse les écologistes, et qu’il faut mettre sereinement à jour, car elle ne remet pas en cause la sincérité de leur engagement. On peut l’exprimer ainsi : ils confondent le droit à l’égalité avec le droit à l’identité. L’identité c’est de vouloir singer la parentalité naturellement fondée des hétérosexuels ; ce qui amène à occulter le lourd tribut à payer à la techno-mercatocratie pour aboutir à une situation qui, en terme de vécu psychologie de la « famille », risque fort de sonner faux. L’égalité des droits, c’est de reconnaître que les adultes homosexuels, comme tous les adultes, ont tout à fait le droit de prendre à part à cette situation, si importante pour donner sens à une vie, d’une relation de responsabilité d’éducation d’enfant. Cela les amène à confondre la reconnaissance de la différence du rapport à l'enfant du couple homosexuel avec une discrimination. C'est une situation très paradoxale : ceux qui ont gagné de haute lutte le droit à une sexualité différente escamoteraient maintenant cette différence en masquant sa conséquence sur le rapport à l'enfant au moyen d'artifices techniques au coût social très lourd ! Mais si l'on part de l'acceptation de cette différence tout change.
Les homosexuels ont le droit à une relation privilégiée à l'enfant de responsabilité éducative comme tout adulte : c'est en effet une relation fondamentale pour donner sens à une vie humaine. Mais cette relation ne peut pas être, rigoureusement parlant, de parentalité. Situons-nous dans une société qui aurait significativement avancé dans le projet écologique : on serait sorti de la compétition marchande et de l'incessante rivalité entre individus et groupes sociaux. Des relations de confiance auraient été retrouvées qui nourriraient la vie sociale. Nul doute que les homosexuels qui voudraient assumer la responsabilité d’éducateurs d’enfants qui ne sont pas les leurs pourraient le faire. Dans toute société on a besoin de tels rôles sociaux ( qui correspond à ceux qu’on appelait les « parrains »/« marraines »), et ils manquent cruellement dans la nôtre : ils permettraient d’éviter des actes de violence de jeunes, aussi terribles qu’apparemment absurdes, mais qui sont toujours liés à une trop grande absence éducative des adultes.

Pierre-Jean Dessertine (L'antisomnanbulique, 16/12/2012)
"Moi je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l'usine, quelle différence ?" Pierre Berger, homme d'affaire (Anarchrisme)





[1] Marcel Pagnol, L'eau des collines. (voir :http://encyclopedie.homovivens.org/Dossiers/eugenisme) 

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