mardi 6 août 2013

Binic Folk Blues Festival


         En ces temps de repos compté, les Idiots ont dépêché un de leurs meilleurs reporters pour se rendre dans une contrée étrange et lointaine, là où se déroulerait un festival de blousons noirs, de guitares saturées et de voix endiablées. 



         Depuis quelques années, la Bretagne est devenue une sorte de terre promise pour tous les festivaliers du monde. Pas un jour de l’été, en effet, sans que l’on puisse trouver un champ, un bourg, un port ou une plage qui accueillent une ribambelle de groupes. A tel point que l’on peut s’interroger sur les arrière-pensées commerciales de cette frénésie festivalière même s’il n’est pas inutile d’occuper les touristes entre deux averses.

         Bref, parmi les nombreux festivals qui s’offrent à nous (de la superproduction des Vieilles charrues à la parade celtique de Lorient en passant par le bout du monde de Crozon, la pop attitude de la route du rock et bien d’autres encore), il en est un qui a retenu toute notre attention : le Binic Folk Blues Festival qui s’est tenu les 2,3 et 4 août dans le port et sur la plage de la petite cité costarmoricaine. Pourquoi celui-ci ? Tout simplement parce qu’il s’agit d’une programmation pointue, et passionnée, qui jouit d’une étrangeté, presqu’une incongruité dans notre monde : son caractère entièrement gratuit. 



Plus de 50 groupes venus principalement des Etats-Unis et d’Australie se partagent une affiche dédiée au folk’n blues, et à toutes ses déclinaisons possibles : rock garage, surf music, deep country, noisy band, etc. Trois scènes très proches les unes des autres (la plage, le bourg et le port) permettent de naviguer à vue au milieu des familles en goguette, des marins du cru et, bien sûr, des rockers aux bras tatoués et à la casquette vissée sur la tête – n’oublions pas les régionaux de l’étape, les « keupons », dont il semble que la Bretagne soit l’un des derniers viviers.

En tous les cas, pas de frime ici ; c’est vrai que la bière coulant à flots ne prédispose pas forcément à la pose langoureuse et aux mimiques insignifiantes. Il faut plutôt compter sur l’esprit du rock’n roll : simple, rude et élégant, comme le blues d’antan. Les groupes invités – même de stature internationale – sont logés à la même enseigne : pas de backstage, de VIP ou encore de demandes improbables. Et il n’est pas rare de croiser les chanteurs et musiciens errant dans le bourg de Binic, une bière à la main, toujours prêts à trinquer. Ce qui favorise également, cette fois-ci sur scène, les rencontres multiples, sachant que la plupart des groupes jouent deux fois (ou plus) pendant les trois jours que dure le festival.

         Passons aux choses sérieuses : du côté du pur blues, on mentionnera la guitare hypnotique de Mississipi Gabe Carter venu des bayous profonds comme celle, plus tranchée et inattendue, du strasbourgeois Thomas Schoeffler. Pour le rock sauvage, les Australiens de Bitter Sweet Kicks mettent une belle pagaille tandis que les Italiens de Movie Star Junkies nous la jouent à la Bad seeds, du côté de Nick Cave. On ne peut pas citer tout le monde, mais les Français ont également leurs vétérans (Head On) et leurs jeunes pousses (Libido Fuzz) pour s’entretenir avec la musique du diable. Sans compter encore, la folk éthérée et les songwriter allumés qui nous accueillent dès 17 heures, au retour de plage, pour un apéritif bien mérité, sous le soleil ennuagé et coloré de Binic. 




         Pour notre part, et en toute subjectivité, notre cœur a retenu deux groupes qui parviennent à insuffler un nouveau souffle au rock avec les sempiternelles guitares/basses et les traditionnels caissons de batterie. On serait presque désolé qu’ils viennent tous deux des Etats-Unis. Le premier est en passe de devenir une référence incontournable de ce début de siècle, j’ai nommé les Thee Oh Sees, qui réussissent à mélanger tous les genres pour en faire quelque chose de brûlant, comme une alchimie réussie entre les mélodies pop, la rythmique effrénée, l’énergie punk et le psychédélisme seventies. Ce qui peut se vérifier sur album et se décupler en live ; impossible en tous les cas de ne pas lever les bras et sauter dans tous les sens pendant l’heure et demi d’un set incandescent. 




         Le second est un jeune groupe de Californie, Shannon and the Clams, qui est en train de revisiter les sixties avec l’esprit du temps : urgent, ambivalent et entraînant. Composé d’un jeune éphèbe et d’une chanteuse aux rondeurs affirmées, auquel on ajoute un batteur rugueux, et nous voici emportés dans une musique dansante et vénéneuse. Les mélodies sucrées et accrocheuses se transforment soudainement en rage contenue et en éructations enfiévrées ; comme si les Beach Boys croisaient la route des Sex Pistols.




         On ne sait pas combien de temps peut tenir un festival gratuit (et sans services d’ordre) dans une époque où la fête tourne la plupart du temps au vinaigre – sans compter le risque de transformer la chose en beuverie généralisée parce que nous sommes quand même en Bretagne et qu’apparemment la fameuse fête de la morue (également à Binic) aurait connu un sort similaire, selon les dires de vieux bougres avinés. Sacrés Bretons ! 

2 commentaires:

  1. Hey ! Bien sympathique votre chronique :-) . Cela dit, y'a une petite erreur de géographie : vous avez écrit dans le 2ème paragraphe "...sur la plage de la petite cité morbihannaise" . En fait, Binic est dans les Côtes d'Armor, ce qui doit donner : "la petite cité costarmoricaine".

    Bonne continuation à vous !

    Fred

    RépondreSupprimer
  2. Merci Fred, je me serais fait étriper par tous les amis du 22, anciennement côte du nord, et toc !

    RépondreSupprimer