jeudi 1 août 2013

Ni honte, ni regrets.

Il fait très chaud en ce mois de juillet 2013 et, comme chacun le sait, l’intensité lumineuse et la température jouent des tours à l’œil qui regarde dans le lointain et sont propices aux mirages. C’est le même phénomène qui semble aujourd’hui caractériser le traitement médiatique de certaines affaires et il faut souvent attendre longtemps avant que les contours et les détails de l’événement se précisent.




Dans le premier cas, à savoir le déraillement d’un train en gare de Brétigny-sur-Orge, le 12 juillet 2013, qui a causé la mort de sept personnes, la manière dont la presse a relaté l’accident a démontré au mieux de la part des autorités la volonté de minimiser très largement, voire, pire, de maquiller, les délits perpétrés à l’issue de l’accident. Alors qu’un premier témoignage, celui de Nathalie Michel, membre du syndicat de police Alliance, évoquait des tentatives de vols immédiatement après l’accident (soit à 17h30, vingt minutes après le déraillement) et des heurts entre police et jeunes auteurs des larcins, le démenti officiel de la préfecture de l’Essonne était relayé dès le lendemain par Libération, qui titrait « ni pillage, ni caillassage », et dans LePlus, pour lequel la rumeur était pure fabrication de la « fachosphère ». Les deux journaux contestaient très largement la véracité du témoignage de la syndicaliste d’Alliance, suggérant même très nettement la manipulation, sans chercher le moins du monde à remettre en cause la version préfectorale. Libération rapporte également les propos de Jean-François Riffaud, le directeur de la communication de la Croix-Rouge : «Nos équipiers n’ont rencontré aucun problème avec des badauds. Il n’y a pas eu d’agressions, nous avons travaillé de façon tout à fait normale». On relève cependant dans le même article une précision : les services de secours de la Croix-Rouge sont arrivés sur place à 18h30, soit une heure vingt après l’accident et presque une heure après l’arrivée des pompiers et après que les premières tentatives de vols et les caillassages aient été signalées.
Le propos est en tout cas clairement résumé par l’article de Mathieu Géniole dans LePlus : « on peut réfléchir à la façon dont un déraillement de train a permis d'alimenter l'extrême-droite en aussi peu de temps et de façon aussi massive par des médias traditionnels. » Il est donc impossible d’avancer que de jeunes charognards présents sur place aient pu tenter de dévaliser les morts voire les survivants, puis aient réagi violemment aux tentatives de la police de les écarter des lieux du drame, sous peine de servir les desseins de l’extrême-droite. C’est pourtant exactement la thèse qui est accréditée quelques jours plus tard par le journal Le Point, sur la foi d’un rapport de synthèse des affaires marquantes du 10 au 16 juillet de la Direction centrale des compagnies républicaines de sécurité (DCCRS) relatant les faits en ces termes : « À leur arrivée, les effectifs de la CRS 37 devaient repousser des individus, venus des quartiers voisins, qui gênaient la progression des véhicules de secours en leur jetant des projectiles. » Les révélations du Point ont suscité de nouveaux démentis de la part des autorités, arguant notamment du fait que la compagnie CRS 37, dont émanent en grande partie les témoignages présents dans le rapport de la DCCRS, n’était pas présente sur les lieux avant 19h et que l’on ne pouvait donc pas tenir compte des affirmations du nouveau rapport. On se demande dans ce cas en quoi les affirmations des services de la Croix-Rouge, présent sur les lieux d’après Libération à partir de 18h30, seraient plus dignes de foi.
Le fait est aujourd’hui que le syndicat de police Alliance corrobore très officiellement les affirmations de Nathalie Michel et que vols, insultes et caillassages sont désormais clairement confirmés, non pas seulement dans la « fachosphère » mais également, n’en déplaise à Mathieu Géniole, dans les grands médias et par les instances officielles elles-mêmes, comme on pouvait le lire ces derniers jours dans Le Parisien, de la bouche du procureur Eric Lallemant, dans le Monde et même dans Libération (qui, après avoir affirmé qu’il n’y avait eu « ni pillage, ni caillassage » est bien obligé de s’accorder à une nouvelle version officielle). On a pu même l'entendre à l’Assemblée Nationale. Après avoir affirmé de façon véhémente qu’il ne s’était rien passé en marge du drame de Brétigny, les autorités et le gouvernement chipotent désormais sur les termes employés. Devant la réalité des interpellations et des faits, Manuel Valls lui-même a été obligé de reconnaître que des vols avaient bien eu lieu à Brétigny après l’accident. Aujourd’hui, les autorités et les médias les plus proches du gouvernement semblent réduits, afin de justifier leurs premières dénégations, à des querelles picrocholines sur la différence entre « pillages » et « vols » ou entre « caillassages » et « jets de pierre », un peu comme les théologiens byzantins discutant du sexe des anges alors que les troupes de Mehmet II assiégeaient Constantinople. Le fait seul que des vols et violences aient pu être perpétrés sitôt après une catastrophe de cette ampleur (quand bien même il s’agirait d’ « actes isolés », autre trouvaille sémantique de la pudibonderie politique actuelle) tend un reflet effroyable à notre société.
Il est ridicule de déplorer aujourd’hui « l’instrumentalisation des faits par l’extrême-droite » et de dénoncer leur exagération quand la première réaction a été celle d’une occultation honteuse des faits beaucoup plus propice à alimenter les rumeurs qu’à apaiser les esprits. L’incapacité, par crainte de « stigmatiser » ou de « faire le jeu de l’extrême-droite » a conduit ainsi à excuser de façon choquante des faits qu’il était en effet nécessaire de ne pas exagérer mais qu’il est à la fois odieux et imbécile de prétendre cacher. Or, c’est bien ce qu’il s’est passé autour de la catastrophe de Brétigny. Les premiers médias qui avaient eu le malheur de rapporter les vols et caillassages ont été sévèrement recadrés par les autorités avant que d’autres ne viennent corriger le tir. Les déclarations du procureur Eric Lallemant et les interpellations sont, elles, plus difficiles à nier. Il reste de tout cela l’idée dérangeante qu’à la tragédie s’est ajoutée l’horreur de certains comportements et la duplicité du gouvernement et de certains médias plus prompts à se plier à un impératif politique que moral.[1] 



Cette entreprise de manipulation du réel a atteint un degré déconcertant, au cours d’un mois de juillet habituellement plus dévolu au farniente estival et aux entreprises en sous-effectif, avec le ridicule feuilleton de l’arrestation de Varg Vikernes. Les autorités françaises n’auraient-elles laissé un nazi meurtrier et pyromane s’installer tranquillement en France que pour l’avoir sous la main pour tenter une diversion calamiteuse qui conduit à une piteuse remise en liberté après 48 heures de garde à vue ? Le procédé a semblé tellement gros qu’il a tristement fait écho à la honteuse tentative de manipulation orchestrée autour de l’affaire Méric en juin dernier. A Peine Vikernes était-il sorti de prison que les violentes émeutes qui ont éclaté à Trappes, Creil ou les affrontements de Brive-la-Gaillarde ont paru souligner l’inanité complète d’une culture de l’excuse couplée au prétexte politique d’un antifascisme fantasmatique.

En 2007, en commentant les émeutes qui ont causé la mort de huit personnes et plus de 200 millions d’euros de dégâts matériels, le philosophe Alain Finkielkraut avait eu ce mot qui lui avait valu (encore une fois) les foudres des différents défenseurs du politiquement correct : « En tendant à ces jeunes le miroir embellissant de la révolte, on les enfonce dans leur marasme. Alors qu’il faudrait avant tout leur donner des repères, c’est-à-dire leur faire honte. Ça ne signifie pas les stigmatiser à jamais, mais rendre possible leur réintégration dans la communauté nationale. » (Entretien réalisé en octobre 2007). Il semble qu’aujourd’hui on choisisse toujours, pour s’éviter la difficile corvée de devoir faire honte, l’expédient facile du déni de réalité qui garantit au moins le statut quo politique. 










[1] On signalera d'ailleurs à cet effet le travail du site "Debunkers", soit-disant "chasseurs de hoax" dont le site offre un résumé assez complet de l'affaire. Les courageux chevaliers de la vérité qui officient pour ce site, qui ne semblent par ailleurs pas gênés le moins du monde par le fait de soutenir mordicus la thèse d'un Clément Méric victime et assassiné, soutiennent en ce qui concerne Brétigny la thèse du montage d'extrême-droite. Les responsables du site ont même assuré qu'ils étaient prêts à s'excuser si leur était démontrée la réalité des vols commis à Brétigny. Mais, on ne peut que leur conseiller d'aller voir ici, ici et ici avant d'affirmer de manière aussi péremptoire qu'aucune plainte n'a jamais été déposée. On attend l'erratum et les excuses promises du coup.

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