samedi 11 janvier 2014

Le Loser de Wall Street


           Il est vain de dire qu’en France on attendait le nouveau Scorsese avec un œil bienveillant tant, dès qu’il s’agit de critiquer l’empire capitaliste, aussi dénommé USA, la critique habituelle dans nos contrées à l’égard du cinéma « pop corn » n’a plus cours. Pour autant le nouveau film du réalisateur de Mean Street surprend. Loin du manichéisme cher au très surestimé Oliver Stone, c’est une comédie burlesque que Scorsese nous offre et non la version en col blanc des Affranchis ; une comédie où le héros, incarné par un Di Caprio survolté et génial, fait moins envie qu’il n’est ridicule et dont les péripéties semblent vouées, à mesure que Jordan Belfort, le « loup de Wall Street », s’élève, à le rendre plus pathétique qu’il ne l’est au début du film, dans son costume de futur nouveau riche, bavant devant un vieux beau cocaïné apôtre de la masturbation compulsive.




Jordan Belfort, vrai Satan au petit pied, manque d’envergure ; chacune de ses tentatives pathétiques pour se métamorphoser en Lucifer tentateur se solde par un échec ou une humiliation en direct. Ejaculateur précoce, démon de la finance, dont le seul talent est celui d’un bonimenteur de foire qui n’a pu prendre la dimension d’un diable qu’à la faveur d’une époque, beauf éructant dans son costume cher et laid rappelant quand il monte sur l’estrade, devant son gang de branques partagés entre les cas sociaux et les loosers incestueux métamorphosés en fausse statue de marbre – mais de vrai stuc, ces prêcheurs américains moitié rock star de supermarché moitié gourou sectaire. Voici le portrait peint de ce loup de Wall Street, rôdant d’arnaques en partouzes pour ploucs, évoquant plutôt Patrick Sébastien que l’orgie luciférienne de Eyes Wide Shut, où le lamentable le dispute dans les traits au ridicule sans jamais parvenir à cette dimension tragique que le spectateur attend mais que Scorsese lui refuse…



            Il semble d’ailleurs  que le personnage de Belfort, s’échinant à la traîtrise comme à la chevalerie, à l’overdose et aux violences conjugales sans parvenir jamais à nous convaincre qu’il est autre chose qu’un sinistre bouffon, réclame tout du long des trois heures de bobines sa part de grandiose, son droit au tragique, et le cinéphile, lui-même nostalgique des grandes leçons d’abîmes du cinéaste, espère d’une crainte toute cathartique que la farce soudain cède sa place aux ténèbres de la chute. Rien pourtant ne vient, et malgré les rebondissements déclenchés Deus ex machina par des personnages dingues – Jonah Hill parfait en Joe Pesci pour de faux –, Jordan Belfort ainsi que ses camarades resteront puceaux du gouffre comme on l’est de la guerre. Toute la narration se résout dans la médiocrité comme si Scorsese insistait, en s’auto parodiant lui-même, sur la nature profondément nulle de notre époque et son impossibilité majeure à s’élever au-delà de la farce.
                  Aucune fascination débile pour les grands seigneurs, méchants hommes brûlés dans un excès de stupre, Icares tombés du haut du ciel de la finance après s’être frottés de trop près aux sunlights de Manhattan. Scorsese réalise ici le film d’après la cuite et c’est dégrisé et encore pâteux qu’il regarde la débauche du jour passé, découvrant risible cette geste que Oliver Stone trouvait grandiose la veille, convaincu d’avoir mélangé dans ses personnages Napoléon avec Al Capone. Ces loups de Wall Street sont galeux, rachitiques, au vu de leurs aspirations, autant qu’ils se portent bien chaussés dans leurs mocassins blancs, pitoyables, vénaux et sans ampleur : des renards qu’on aurait préféré Bête du Gévaudan pour nous excuser de nous être fait escroquer par une telle engeance… On rit beaucoup durant les 180 minutes de ce film, de Jordan Belfort et de sa clique, certes, mais aussi de chacun de nous, d’un rire jaune qui  moque notre naïveté d’avoir pu croire que les grands dans leur médiocrité sont différents des petits…


2 commentaires:

  1. dédé la sardine12 janvier 2014 à 13:16

    ça veut dire qu'il est bon ou mauvais ce film ? ^^
    heureusement qu'internet (et le streaming) existe..parce que payer ça m'emmerde souvent :-)

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  2. C'est très mal de télécharger. Ca fait beaucoup de peine à Eddy Mitchell et à James Cameron.

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