dimanche 10 janvier 2016

Meurtres pour mémoire


A la fin du XIXè siècle, les anarchistes ont théorisé la « propagande par le fait » dans le but d’accélérer la prise de conscience populaire grâce à une multitude d’actions illégales : sabotage, boycott, expéditions punitives, etc. On connaît les résultats peu probants de cette stratégie révolutionnaire. Nos sociétés idiocratiques ont inventé une autre facette de la propagande, beaucoup plus « cool » et non moins pernicieuse, celle de la bêtise braillée sur tous les tons par les « représentants » du système et montée en boucles sur toutes les chaînes de la bien-pensance. Il s’agit, ni plus ni moins, d’ébaudir le citoyen par la répétition sans fin de slogans vides, l’injonction à suivre des principes plus creux les uns que les autres et la volonté de niveler la moindre parcelle de pensée critique.

La semaine qui vient de s’écouler constitue un grand moment de propagande par la bêtise : dès lundi, tout le monde était sur le pont, prêt à revêtir son masque de douleur et à trembloter ses quelques mots de tristesse. Les officiels, bien sûr, qui ont commémoré le « premier anniversaire » des attentats de janvier dans des cérémonies d’une "rare dignité". Les médias appointés, naturellement, qui ont réussi à concilier l’émotion des victimes avec l’analyse des experts, le tout auréolé de mines déconfites et de propos pleurnichards. Les artistes, enfin, ces grandes consciences citoyennes qui n’ont pas hésité à prendre la parole au nom des opprimés et à mouiller la chemise pour leurs tournées promotionnelles. On aura presqu’une once de pitié pour ce malheureux Renaud qui, présent au rassemblement des « Charlies », a vu fondre sur lui une meute de journalistes pour l’interroger… sur son état de santé, sous-entendu son alcoolisme dépressif. Et notre chanteur populaire de balbutier que son check up était parfait, qu’il avait arrêté de boire et qu’il était fin prêt pour reprendre du service et assurer la promo de son dernier album. Ah ! l’on se sent tellement réconforté d’avoir entendu toute la semaine ce grand cri de résistance, ce feu jailli des entrailles d’un peuple en colère : « JE SUIS CHARLIE ! »

Bref, tout cela était réglé comme du papier à musique pour ritournelles désuètes. Seulement, il y a eu quelques couacs auxquels il faut bien ajouter une espèce de mauvaise humeur de la part de ce peuple veule qui rechigne à marcher au pas de l’émotion. Il était quand même difficile d’assister à cette grande parade commémorative à peine quelques semaines après les attentats du Bataclan. Une question brûlait toutes les lèvres (sauf celles des grandes voix du PAF) : quelle a été la réaction des autorités publiques après le 7 janvier 2015 ? Quels dispositifs ont-il été mis en place pour lutter contre le terrorisme ? Rien, aucune question de fond. Le temps des commémorations n’est pas celui de la réflexion critique, par respect pour les victimes, bien entendu. Pas de polémiques, mauvais coucheurs, passez votre chemin !

En revanche, et c’est là où la bêtise tourne à la gêne : que de promotions détournées, que d’appâts du gain à peine déguisés, que d’étalages de pathos sur commande, que d’anonymes en recherche de notoriété, que d’émissions racoleuses enregistrées, que de livres intéressés publiés, etc. Tout finit par respirer le fric dans ce carnaval des bons sentiments. Au passage, on s’interroge sur l’état d’esprit qui régnait à Charlie-Hebdo, ce bon journal d’anar de gauche que l’on n’a cessé de nous présenter comme une bande de potes qui se marraient bien tous les matins, avec l’œil torve des lendemains de cuite. Pourtant, dès les semaines qui ont suivi, n’a-t-on jamais vu un tel panier de crabes qui se disputaient la paternité du journal, qui s’écharpaient sur la gestion des dons, qui étalaient leurs états d’âme dans les médias, qui se pressaient à publier leurs témoignages ? Et ce grand humoriste, Philippe Val, qui a été invité partout en tant que directeur du journal alors même qu’il l’avait quitté en 2009, soit cinq ans avant les attentats ! Il faut croire que le filon est bon puisque notre cher auteur a remis le couvert au mois de novembre dernier avec un nouvel ouvrage : C’était Charlie – cette fois-ci, la ficelle était un peu grosse puisque plusieurs personnalités se sont élevées contre les « erreurs et les contrevérités » qui parsèment le livre.

En tout état de cause, cette belle semaine de commémoration tombait d’autant mieux qu’elle permettait de masquer d’autres faits bien embêtants pour nos élites cosmopolites : l’appétit sexuel des « migrants » pour la jeune européenne. Aussi, la caste journalistique appuyait-elle de tout son poids sur le couvercle de l’information pour que celui-ci ne déborde pas. Pensez-y, ces « gentils réfugiés » qui ont échappé cent fois à la mort pour rejoindre nos terres bénies du capitalisme ne trouveraient d’autres moyens pour remercier leurs hôtes que de saccager leurs rues, d’insulter leurs flics et d’agresser leurs femmes. L’information grouillait partout sur la toile, l’omerta a finalement été rompu par quelques téméraires et repris timidement par les autres, sans doute encore tout peinés de quitter les rives doucereuses de la commémoration profitable. 
 











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