mercredi 27 janvier 2016

Mon journal indélicat

Joseph Scipilliti est né à Messine, en Italie, le 25 décembre 1951. Sa carrière d'avocat à débuté en Seine-et-Marne au début des années 1990. C'est à peu près au même moment qu'il a entamé un journal, achevé le 29 octobre 2015, avant de se suicider, après avoir tiré trois balles sur le bâtonnier Henrique Vannier, qui devait lui signifier une interdiction d'exercer pendant trois ans. Joseph Scipilliti était l'avocat de Christine Tasin, de Riposte Laïque et Résistance Républicaine. Nous publions aujourd'hui une réflexion sur ce suicide envoyée par un contributeur extérieur que nous remercions d'avoir bien voulu nous confier son texte.

Afin de compléter l'article, le « Journal indélicat » que Joseph Scipilliti souhaitait largement faire circuler est disponible en pdf en cliquant sur le lien suivant :



MON JOURNAL INDELICAT

Au titre du testament d’un avocat suicidé hier, « Journal indélicat »,  par respect  j’ai ajouté « mon ». Amis, je n’en suis pas là.
 
L’avocat qui s’est suicidé ne l’a pas fait sur l’autel  de Notre Dame, mais après avoir tiré trois fois sur son bâtonnier de Seine-et- Marne, pas à la tête ni au cœur, la balle à la tête il se l’était réservée pour lui-même. La garde des sceaux a été aussitôt bouleversée,  même apparemment plus qu’un président de la République après un accident de car, bouleversée par les balles tirées sur  un bâtonnier, et elles auraient pu être tirées sur un juge, que dis-je sur un procureur.   
 
L’avocat suicidé était né à Messine, et son père modeste - qui avait eu une fois dans sa vie à se louer de l’Assistance judiciaire au civil -  ce qui fait, entre autres choses,  que le fils a été longtemps socialiste, c’est-à-dire, comme on disait, de gauche.  Nul n’est parfait, mon père et mon grand-père paternel l’étaient.  Ce fils de milieu modeste -  ne pas confondre avec  milieux défavorisés, comme on dit -  a donc fait de l’assistance judiciaire volontaire, au pénal, quoiqu’il  n’aurait pas voulu être pénaliste (le banditisme ne l’intéresse pas), parce que pour être bon défenseur au civil il faut avoir une culture, qui si elle ne va pas jusqu’à lire de la littérature ou de la non-fiction autre que juridique, peut utilement aller  jusqu’à connaître la pratique au pénal.  
 
Ayant constaté lucidement lors de ses études que les étudiants de toutes les autres facs prenaient ceux sortis de la sienne pour les moins capables de raisonnements autres que bornés, il n’a pas moins conservé la dignité du pauvre, le sens de la déontologie d’un métier, la même qui fait que j’ai pu m’étonner, faisant passer l’oral du baccalauréat dans des temps très anciens où cela avait un enjeu, d’être abordé devant Janson de Sailly par un parent d’élève qui voulait m’acheter : de même s’étonne-t-il de ce qu’un ancien ami potache  agent d’assurance ne lui propose un dîner en ville que pour lui suggérer au dessert de lui communiquer, contre un pourcentage, la liste de ses clients. Or les indélicatesses - du titre - sont celles reprochées à un avocat pauvre qui ne se soumet pas aux abus de pouvoir systémiques de la hiérarchie de l’Ordre, des  greffières syndiquées, des juges non professionnels des tribunaux de commerce, de la magistrature salariée telle que  sortie de l’école de Bordeaux. 
 
Pas les indélicatesses - simple homonymie -  des conflits d’intérêts d’un bâtonnier prescripteur de contrats de fournitures, impunément, dans son département. Mea culpa, il fut un temps où j’étais maître après Dieu dans ma classe, comme le bâtonnier, et mon pouvoir absolu, que je croyais nécessaire pour exercer mon office sans contrainte perverse, je ne peux plus jurer en confession ne pas l’avoir exercé, pas à bon escient, en sorte qu’un ancien élève n’en ait gardé un souvenir d’injustice. Ce temps n’est plus. L’injustice, aujourd’hui, serait de ne pas accorder de pouvoir conserver ses notes positives pour repasser le bac, cinq ans. Ou, idéalement, mais vécu, de ne pas accorder une licence à une étudiante fantôme qui argumente qu’étant en fin de droits faute d’avoir ses peaux d’âne qu’une secrétaire ne peut lui accorder faute de ma signature sans un faux, j’aurai sur la conscience qu’elle ne sera plus logée en cité universitaire.  Comme le suggère  l’avocat suicidé, il ne serait pas mal que le bâtonnier, le magistrat, soient soumis, non à cette pression démocratique, mais à un état de droit et à un vrai recours indépendant de leur profession (le recours existant : efficacité 0, 05 °/°) au lieu des pressions, efficaces quand des autoroutes sont coupées la nuit par des gens du voyage, et des machines à laver lancées sur les têtes de policiers qui sont entrés dans un territoire des Cités qui n’est pas le leur, selon l’interprétation de l’ordre public par le  préfet. Car, argumenterait-il, cette pression démocratique, comme le disait Clémenceau qu’il cite en épigraphe, est le droit pour les poux de ronger le lion. Sauf si le vrai lion a un pied-à -terre, en gated community, son refuge dans les Caraïbes.  Reste, en Europe,  pour se consoler, qu’on puisse encore entendre traiter l’avocat époux de Carla Bruni-Tedeschi, la Rollex des femmes dit-il, de minable jaloux, si on pense que la vérité sort de la bouche pas seulement des impubères, mais, par procuration, du plus lion cavaliere Berlusconi.
 
Il est vrai que dans des temps plus récents, de massification des professions, le nombre des avocats (de même qu’il y avait dix profs d’histoire à Paris avant 1830, et 40 000 en France aujourd’hui) fait que la notion de profession libérale, quand on ne s’est pas reconverti au salariat, a pour sens la pauvreté, pour la majorité, comme pour les architectes, les médecins ceux qui  voudraient bien échapper au tiers payant et à la grille inférieure des honoraires, les très petites entreprises concurrencées à mort par celles qui ont la taille pour employer impunément massivement des ressortissants de pays à la main d’œuvre moins chère, les professeurs qui voudraient échapper aux concours de la fonction publique, de l’enseignement sous contrat, des affectations en zones prioritaires aux milieux défavorisés et aux crachats aux profs par un auxiliariat ou un régime d’entrepreneur individuel, les curés, même blancs, ceux  qui n’ont ni l’entregent ni l’aura au sortir du Séminaire pour être programmés évêques.  
 
La pauvreté n’est pas tout, même si comme le médecin des pauvres qu’était Céline un avocat peut être cause de sa pauvreté quand il ne fait pas payer ses honoraires à des associations qu’il juge utiles à la société, comme celle qui, aujourd’hui, sans doute par une obligation morale en retour, publie son testament, demeuré une heure sur Google avant d’être promptement retiré, d’y être remplacé par les habituels chiens de garde, Libération, Figaro, Le Monde etc.. qui pointent  aussitôt  -  feu sur les dissidents ! -  l’association indélicate, et hop, réductio ad hitlerum qu’ils n’hésitent toujours pas à exercer à l’égard d’une minorité du peuple français qui approche d’être la majorité. La pauvreté n’est pas tout. Ce qui conduit au suicide, c’est de croire tragiquement à l’état de droit, quand la structure de péché fait qu’il n’y a partout que le règne des loups en bande : le bâtonnier en est généralement et, encore plus généralement, « mon bâtonnier » (citation médiatisée d’un avocat de Seine et Marne issu de la Diversité, aussitôt interviewé en renfort ) est le chef local d’un consensus solidaire de la religion républicaine et laïque, dont ne sont exclus que ceux, judiciables victimes, politiques, policiers, affichés sur les tableaux d’infamie d’un syndicat de la magistrature.  Comme le prétend ce consensus, et le premier ministre lors des séances de question à l’Assemblée nationale - lieu où l’immunité est encore individuelle, pas comme à Strasbourg  -, ce serait attenter à l’état de droit et à la séparation des pouvoirs que de prétendre dans cette enceinte qu’il y a des magistrats, ou des bâtonniers, psychopathes ou pervers. Circulez, il n’y a rien à voir. Faites enlever le corps. Comme celui sur l’autel de Notre Dame ? Ce n’était qu’un déséquilibré.
 
Pour ce qui est du règne des loups en bande, des fictions plus éclairantes que le testament du suicidé ?  Ces deux dernières semaines, sorties de deux films.  Lobster, ou comment être ou ne pas être en règle, pas à la chinoise ne pas dépasser un enfant naturel ou deux, mais l’Avenir radieux des couples vérifié, par consentement mutuel pour tout, exigible pour le permis de circuler en ville, sinon déportation  médico-légale. Sicario, ou comment à Ciudad Juarez la bien nommée les humains écorchés suspendus aux lanternes affichent le pouvoir des loups. Que si on veut pénétrer sur leur territoire, ce n’est pas de recevoir des machines à laver sur la tête qu’on risque, mais de devoir être volontaire pour une opération off-limites (légales, s’entend, les limites ont dû « être reculées »), en commando en voitures blindées. Il ne s’agit pas du Nigeria ou du Mali, ou de Raqqa, mais de l’autre côté de la frontière,  vue imprenable depuis El Paso, Texas. 
 
Etat de droit, vous dis-je, ou vous dit le suicidé.


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