lundi 25 janvier 2016

Portraits imaginaires (2) - Alain Soral


Après le Maire de Province, voici un deuxième portrait imaginaire, cette fois sur un personnage bien réel. Comme leur nom l'indique, ces portraits sont fruits de l'imagination et n'ont d'autre prétention que de mettre en lumière les archétypes représentés par les figures humaines, médiatiques ou politiques qui leur tiennent lieu de prétextes.


« On dirait que dans les portraits qu’ils tracent de leur contemporains il s’attachent à nous montrer la manière dont s’incarne, se prolonge et s’individualise le péché d’origine. »

Emil Cioran




Il voudrait nous convaincre de son intelligence quand c’est lui plutôt qui semble chercher à s’en persuader. Aussi répète-t-il à chacune de ses interventions qu’il écrit des livres et qu’il aime « manier le concept ». C’est surtout un boxeur. Et c’est affublé des gants de ce sport qu’il prétend « penser » à l’instar de Coluche qui jouait du violon avec. Brute déclassée dans l’intellect, il enrage de ne pas percer dans une discipline dont il ignore les codes et déclare gagner quand il perd selon les règles. Pour celui qui l’observe, il évoque un sentiment étrange où se mélangent l’attendrissement et le mépris sans qu’aucune de ces deux sensations ne puissent vraiment prendre l’ascendant sur l’autre : aussitôt qu’on le trouve attachant on se surprend à le mépriser, et réciproquement…
On l’a vu un temps patauger devant les caméras les plus vulgaires. Là, on se moquait de lui cependant qu’il croyait éblouir l’assemblée de ses considérations pour beauf. Après quelques passages dans les égouts de la télévision, des médiocres policés décidèrent qu’il pouvait monter en grade, et avec une certaine cruauté lui ont décerné le titre d’intellectuel ─ ainsi l’on couronnait un fou lors des carnavals anciens ; moquerie qu’il a pris pour un sacre véritable auquel il ne renonce pas, comme s’il accordait une étrange crédibilité à ces gens qu’il vomit aujourd’hui. Avide de reconnaissance, sa position d’outsider perpétuel renvoie moins à un prétendu choix aristocratique qu’à une porte que quelques seigneurs télévisuels lui ont claqué à la figure après qu’ils se furent aperçus qu’il prenait la farce au sérieux. Dès lors il retourna naturellement vers les marécages de l’immonde où il gardait ses habitudes, et qu’il n’avait d'ailleurs jamais véritablement quittés.
C’est un boxeur, mais on l’imagine aussi bien anti-héros stendhalien sur fond de roman naturaliste, monté à la capitale pour s’y faire connaître et se retournant contre les maîtres qu’il adorait, après qu’ils l’eurent fait défiler sur la scène du cirque sadique dont ils avaient en son honneur dressé le chapiteau. De bête de foire le voici mué en monstre de Frankenstein mélangé de Julien Sorel, sans réaliser pour autant qu’il n’était que la créature d’un créateur et le jouet de ses propres ambitions. De fait, la méchanceté n’était peut-être pas sa nature originelle, et en d’autres temps s’il avait su rester à sa place aurait-il fait un franc camarade, voire un bon chef de village ! Mais son idiotie a trop nourri son ressentiment pour ne pas nous apercevoir qu’il espère désormais quelque sang versé capable de lui offrir sa revanche, et on l’envisage sans peine partir casser la gueule d’un de ses interlocuteurs si celui-ci démontait son raisonnement ou lui révélait sa qualité authentique ─ nulle ! Cependant, ignorant qu’il n’existe pas de pire ennemi que soi-même et qu’il est sa propre dupe, ce Sisyphe de gymnase préfère s’acharner sur un punching-ball inerte ou sur des adversaires fantasmatiques qu’il se crée seul à force d’insulter la terre entière, dans l’impossibilité où il se trouve de comprendre qu’il lui faudrait surtout se frapper lui pour se punir d’être aussi bête…




3 commentaires:

  1. Je peux comprendre (l'empire^^) qu'on ne soit pas d'accord avec les analyses du sieur Soral, mais dire qu'il insulte la terre entière est de mauvaise foi.
    Son discours n'a pas fondamentalement changé depuis qu'il ne passe plus à la tv et ses adversaires non plus.

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