mercredi 15 février 2017

Les primaires, la belle fumisterie populaire !



C’était entendu, les primaires devaient constituer une innovation déterminante dans le paysage politique d’une France toujours en retard; un progrès démocratique indéniable, la preuve irréfutable qu’on laissait les gens enfin s’exprimer. Quelques semaines après la fin du grand cirque, le nouveau dispositif apparaît pour ce qu’il a toujours été : une arnaque de haut vol. Mais attention tout de même à bien prendre conscience des enjeux : on n’évolue pas ici dans la grivèlerie de bas étage ou l’embrouille de brocanteur, c’est de la belle entourloupe dont il est question, c’est de grand art dont on vous parle messieurs-dames, pas d'un vol à la tire mais bien du braquage du siècle : celui de trente millions d’électeurs. 


Dans l’un de ses ouvrages, Bertold Brecht raconte une belle histoire qui fait beaucoup penser aux primaires. Il était une fois en Chine un empereur très impopulaire confronté à une grave crise agricole qui jetait dans la famine la moitié du pays. Face au mécontentement du pays, l’empereur décida alors d’organiser un grand concours d’éloquence auquel il invitait à participer tous ses sujets. Le concours remporta immédiatement un vif succès tant chacun était soucieux de démontrer son talent et sa supériorité sur ses rivaux, tant et si bien qu’on ne parla bientôt plus du tout de la famine mais seulement du concours d’éloquence et que l’empereur put habilement sauver sa tête. Les choses se sont peut-être passées différemment au royaume de France ; François Hollande n’a pas réussi lui à sauver sa tête, pas plus que celle de son remuant disciple, le bouillant Manuel. Il aura toutefois réussi un beau tour de passe-passe pour tenter de sauver une dernière fois la République des copains en pleine déliquescence.

Ainsi, il était une fois un pays dont le président était si impopulaire qu’il décida de ne pas se représenter devant les urnes de peur de se prendre une veste magistrale. En son propre parti, de vils frondeurs avaient décidé d’organiser un concours d'éloquence pour désigner son successeur. Le favori du président fut battu et les urnes désignèrent le leader des frontistes rebelles comme vainqueur. Dans le camp adverse, chez LR, on avait évincé en grande pompe un autre ex-président et un vieil éléphant fatigué pour désigner un frais poulain plébiscité par les gogos conservateurs qui en faisait leur champion. On allait voir ce qu'on allait voir, le changement ce devait être maintenant. On a vu.


Alors que la panique gagnait le navire socialiste, fuyant de toute part, il a suffit que François Hollande se choisisse un nouveau favori en la personne d'Emmanuel Macron et que Bercy téléguide une petite enquête de moralité sur le nouveau Monsieur Propre de LR pour que toutes l'armure scintillante de François Fillon vole en éclat. A deux doigts de la mise en examen, Fillon qui ne comprend même pas ce qu'on lui reproche, tant ces pratiques sont répandues chez ses confrères, risque d'exploser en plein vol, laissant la place au prestidigitateur Macron qui saura peut-être se frayer un chemin jusqu'au premier tour avant d'émerger en sauveur de la République au second face à Marine Le Pen...« C'est la revanche de Dreyfus », braillait Maurras à son procès. « Et ben voilà celle de Jospin », ricane Hollande dans son bureau. Mais pas si vite. N'oublions pas, perdus dans les arcanes du complotisme électoral, enivrés de machiavélisme et fascinés par l'arithmétique du pouvoir qu'il reste une inconnue à gauche : Benoît Hamon, vainqueur des primaires de la « belle alliance populaire ».

Attendez pardon, qui ça ? Benoît qui ? Vous parlez du petit mec aux oreilles décollées avec son revenu universel ? Soyons clairs, il n'est peut-être pas aussi fusillé que Fillon mais sa victoire ne vaut pas mieux que celle de l'homme aux sourcils en forme de parachutes (dorés). Fillon a remporté une victoire éclatante en surfant sur la détestation de Nicolas Sarkozy. Benoit Hamon a, lui, vaincu sans gloire contre des tocards détestés dans leur propre camp, au cours d'une primaire en comité restreint que la Haute Autorité du PS s'est échinée à présenter comme un succès populaire mais dont il a fallu traficoter de façon pathétique les chiffres de participation pour hisser l'événement au-dessus d'un match de division 2 en termes d'intérêt populaire. Benoît Hamon peut rouler des mécaniques mais pour le moment il est le roi de la mare au canard et son concurrent direct, Jean-Luc Mélenchon, reste le boss du marigot d'en face, autrement plus remuant. 


Comme à droite précédemment, les électeurs de gauche se sont fait plaisir au cours de leurs primaires en élisant « le candidat de la vraie gauche », celui qui va « régénérer idéologiquement le PS ». Pourtant, à lire un programme à peu près aussi vide qu'un manifeste de Nuit Debout, on devine qu'Hamon ne va pas régénérer grand-chose. Volet économique : zéro. Affaires étrangères : absentes. Perspectives : fumeuses. La seule bonne idée dont on peut créditer Benoit Hamon est celle de la prise en compte de la destruction du travail par l'automatisation des tâches dans les sociétés post-industrielles. Pour résoudre la difficulté, Benoit Hamon propose de créer un revenu universel sans conditions pour les 18-25 ans, ce qui, en termes de politique de l'embauche, revient à créer une sorte de Center Parc du travail où l'on parquera tous les oisifs.

Donc, si l’on résume, les primaires ont investi un mort-vivant à droite et un caniche à gauche. Le premier, Fillon, s’est présenté avec un programme d’austérité ultralibérale qui a fait saliver de bonheur les retraités aisés. Les hérauts du libéralisme triomphant ont enrobé tout cela de la logorrhée habituelle : la croissance en berne, la dette abyssale, la fiscalité insupportable, etc. tandis que les députés s’imaginaient déjà embaucher la femme, le neveu et la vieille tante dans la future Assemblée nationale de 2017. Patatras ! Le chevalier blanc se révèle être ce qu’il a toujours été : un politicien professionnel qui a fait toute sa carrière sur les bancs de la droite partisane, le doigt sur la couture du pantalon, et a vécu sous les ors de la République, toujours prêt à recevoir un peu de ses prébendes. 


Le deuxième, Hamon, est du même acabit. Il a charmé pour ne pas dire envoûté la vieille clientèle du gauchisme bon teint avec un programme soit disant utopique dont le contenu se révèle bien pauvre. Hormis le revenu universel, toute la panoplie du bobo urbain et bien-pensant y est passée : une couche d’écologie et de bien-être, un enfonçage de portes ouvertes sur la discrimination, l’accueil chaleureux des migrants, etc. Les parlementaires ont un peu tiqué mais le monde médiatico-culturel, quand il n’est pas tombé en pâmoison devant Macron, s’est réjoui de cette fraîcheur politique et de cette humble frimousse. C’est vrai que Hamon nous semble un gars bien sympathique. Il n’empêche que, à l’instar de Fillon, il est un pur produit de l’appareil politique du PS – ce que l’on appelait auparavant un apparatchik – qui n’a jamais vu le moindre début d’un bout de travail salarié. Ce dernier peut bien se faire l’avocat de la raréfaction de l’emploi : il connaît bien son sujet. Pour un peu, il ressemblerait à un champion de l’austérité qui a été pris les mains dans le pot de confiture – pour rester poli.  Mais gare aux pronostics trop hâtifs. Le fade Hamon pourrait bien se glisser dans le peloton de tête si la mongolfière Macron finit par exploser à force d'avoir la grosse tête. Vous vous rappelez de la fable de la grenouille qui voulait se faire plus grosse que le boeuf ? Rendez-vous au prochain épisode alors. 





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