jeudi 12 juillet 2012

Reichsminister für Kultur


       Nous reproduisons ici un texte de Georges Kaplan évoquant une Aurélie Filippetti qui semblent posséder une vision quelque peu autocratique de la culture, à moins qu’elle ne mesure pas toujours le sens des mots qu’elle emploie. Du bien fondé, ou non, du monopole étatique dans le domaine culturel. La culture c'est comme la confiture, moins on en a, plus on l'étatise.
Texte tiré du blog de Georges Kaplan : http://ordrespontane.blogspot.fr/

      On a appris l’autre jour qu’Aurélie Filippetti, notre lumineuse ministre de la culture [1], « considère vraiment que la culture fait partie du domaine régalien de l'État. » Voilà une remarque intéressante d’autant plus qu’elle le considère vraiment ; venant d’un ministre de la République on peut à bon droit estimer qu’elle pèse pleinement le sens de cette déclaration. Détaillons donc : ce que l’on désigne par droit régalien, en français comme en théorie politique, c’est un pouvoir exclusif du souverain. En d’autres termes, mademoiselle Filippetti nous explique qu’il existe un domaine d’activité que l’on appelle « la culture » qui est une prérogative de l’État ; qui, sur le territoire de la République, ne peut être exercé par personne d’autre que ce dernier.

            Je ne crois pas m’avancer beaucoup en supposant que ce n’est pas du tout ce qu’Aurélie Filippetti voulait nous dire. Plus probablement, notre ministre de la culture n’a aucune culture politique ; elle utilise le mot qui lui vient, peu importe sa signification et notre presse culturelle s’empresse de relayer la déclaration urbi et orbi sans émettre la moindre objection. Le message que mademoiselle Filippetti voulait plus probablement faire passer aux artistes subventionnés et autres intermittents du spectacle, c’est qu’elle estime tout à fait légitime que l’État dépense l’argent des contribuables – et, si possible, en grande quantité – en politiques culturelles ; que s’occuper de culture est un devoir du gouvernement.

Cinq décennies à brasser du vent

        S’il y a bien une chose dont nous autres, français, pouvons nous enorgueillir sans donner plus de crédit à notre réputation d’arrogance, c’est bien notre culture. De notre patrimoine architectural à notre littérature, de la musique au théâtre, de la peinture à nos innombrables spécialités culinaires, nous sommes assis sur un trésor séculaire d’une richesse et d’une variété qui, je crois, n’a été égalé par aucune autre nation. Dans le monde entier, pour autant que je puisse en juger, nous continuons à véhiculer ces siècles de tradition et de génie créatif comme une image de marque de notre pays ; hier, à la cours de Frédéric II de Prusse, on parlait français et on réservait l’allemand aux chiens ; aujourd’hui, de New York à Tokyo, parler la langue de Molière reste encore infiniment hype [2].

       Il a fallu attendre 1959 pour que le général de Gaulle ait cette idée saugrenue que de créer un ministère de la culture, comme si notre pays souffrait de graves carences en la matière. Pour être tout à fait honnête, il faut dire que telle n’était pas l’idée du grand Charles ; il pensait juste que confier ce ministère des affaires culturelles à Malraux donnerait « du relief » au votre gouvernement de Michel Debré. De ce point de vue, il faut lui reconnaitre d’avoir été visionnaire ; c’est en effet à peu près tout ce que les titulaires successifs du poste – je pense notamment à l’inénarrable Jack Lang – laisseront derrière eux : du relief et quelques ardoises bien salées.

     « Aussi magnifique que puisse vous sembler une stratégie, disait Sir Churchill, vous devriez à l’occasion en considérer les résultats. » De fait, alors que notre culture a rayonné sur le monde pendant des siècles sans qu’aucun ministère ne soit chargé de cette lourde tâche, le moins que l’on puisse dire c’est que, depuis 1959, les résultats ne sont pas particulièrement probants. Une anecdote amusante, reportée il y a quelques années par France Inter (c’est dire !), rappelait que c’est aux velléités gouvernementales d’imposer des quotas de chansons en langue française à la radio [3] que nous devions l’explosion du rap hexagonal ; je n’ai rien contre le rap mais je suis à peu près certain que ce n’était pas précisément l’objectif de la manœuvre. Ils voulaient du Johnny et du Cabrel, ils ont eu du « Wesh, wesh, cousin »… Avouez que ça ne manque pas de sel.

         Mais il y a pire encore : vous l’aurez peut-être noté aussi, au grand dam d’une immense majorité de nos intellectuels autoproclamés, le pays qui a le mieux développé et exporté sa culture au cours des dernières décennies reste sans conteste les États-Unis d’Amérique. Eh bien figurez-vous qu’au pays d’oncle Sam, il n’y a pas la queue d’un radis de ministère de la culture et encore moins de politique culturelle ! De Hollywood à Jean-Michel Basquiat ; de Paul Auster à Jack White : la domination culturelle des États-Unis n’est pas l’œuvre d’une volonté centralisée mais d’initiatives privées. Et que répondent nos ministres, nos bureaucrates et l’immense cohorte de nos artistes fonctionnarisés ? Il faut donner plus de moyens au ministère bien sûr !

      Oh bien sûr, on m’opposera que Molière bénéficia des largesses de Louis XIV ; c’est oublier que les dépenses du Roi-Soleil n’étaient en aucune manière des dépenses publiques mais des dépenses privées ; que ses choix n’étaient pas guidés par une politique culturelle mais par ses goûts personnels – pardon, mais l’École des femmes ou Tartuffe ne me semble pas correspondre tout à fait à ce qu’aurait pu être la politique culturelle de la fille aînée de l’Église. Pour la suite, Monet, Renoir, Zola, Maupassant, Cézanne, Flaubert, Sand ou Baudelaire – pour ne citer que quelques noms – ne me semblent pas précisément avoir bénéficié du soutien de la puissance publique ; et je vous passe la sollicitude de Napoléon III pour Victor Hugo.

Hégémonie culturelle

       Je ne sais pas si mademoiselle Filippetti donnera du relief à ce gouvernement mais ce qui, en revanche, me semble à peu près certain c’est qu’elle participera – peut être involontairement – à renforcer l’hégémonie culturelle des idées étatistes, jacobines, centralisatrices et socialisantes dans notre beau pays. Je ne sais pas si mademoiselle Filippetti a lu Antonio Gramsci mais si elle voulait faire en sorte que le petit monde de la culture française soit totalement et définitivement inféodé au pouvoir politique, elle ne s’y prendrait pas autrement : subventions, commandes publiques, régime de sécurité sociale avantageux… La meilleure méthode jamais inventée par les États pour contrôler leurs sujets consiste à les rendre dépendants de subsides publics.

          D’ailleurs, il ne vous aura pas échappé que la presse, l’éducation, les milieux intellectuels et l’essentiel de l’industrie culturelle de notre beau pays sont désormais fermement ancrés à gauche et que les quelques poissons qui sont passés au travers des mailles du filet et se disent de droite sont profondément étatistes. Autant dire qu’à quelques nuances près, ils sont tous d’accord. Si Gramsci vivait parmi nous aujourd’hui, il repasserait probablement son drapeau rouge dans l’attente du grand soir et s’émerveillerait sans doute qu’un ministre de la République puisse qualifier la culture de « domaine régalien de l’État » sans que cela ne choque visiblement grand monde.

C'est vrai qu'elle passe mieux que Frédéric Mitterrand...

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[1] Qui, pardonnez-moi cette remarque odieusement sexiste, n’en est pas moins une très jolie femme.
[2] Cessez donc de hurler, c’est tout à fait volontaire.
[3] Loi n° 92-61 du 18 janvier 1992 et suivantes.

2 commentaires:

  1. Allez-y mollo quand même, je vous signale qu'elle est une amie de FRANCOIS BEGAUDEAU ! Avec qui elle a écouté du painqueroque dans sa folle jeunesse. En ce qui concerne la photo, je suis bien d'accord que le seul fait de ne plus voir la tronche de FM est un soulagement...Pour le reste, oui, on se chargera, ici ou là, de...lui électrifier le QI

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  2. De François Bégaudeau? Alors ça change tout. Michel Onfray doit aussi être un bon ami je suppose, histoire de compléter le tableau de famille des rentiers de la Staten Kultur. Il doivent bien se retrouver de temps à autre pour écouter du Green Day en fumant des pétards nos notables de quarante balais en jean-basket, toujours aussi djeuns dans leur tête.

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